Ce sont des organismes végétaux porteurs de pigments
chlorophylliens autonomes ou autotrophes capables d'assurer par
eux même leur nutrition par la photosynthèse. Dans l'herbier de
Posidonies ce sont:
° les posidonies elles mêmes qui
élaborent dans leurs feuilles cellulose, lignine et composés
phénoliques,
° des algues héliophiles encroûtantes ou épiphytes
(= qui poussent sur) des feuilles formant un feutrage qui abrite
une microfaune variée (on citera les genres Melobesia,
Giraudya, Castanea...), des algues sciaphiles qui
vivent sur les rhizomes (Peyssonelia
squamaria, Udotea
petiolata, Halopteris filicina).
Cette production primaire nette a été évaluée
et ses valeurs montrent que l' herbier de
Posidonies est un des plus productifs de la planète.
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Masse de matière sèche par m²/an
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Posidonia oceanica
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420 à 1300 g
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Epiphytes
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100 à 500 g
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Alors que cellulose et lignine sont peu utilisées par les herbivores (car difficilement métabolisables), que les composés phénoliques repoussent ces mêmes herbivores, que les épiphytes sont très recherchés, au total la consommation de la production primaire n'est que de 10%.
![]() |
Quelques
crustacés mangeurs de feuilles de Posidonie ou
d'épiphytes des feuilles. A= Idotea hectica B= Achaeus cranchii C= Pisa nodipes (d'après ISSEL, 1918, et RIEDL, 1970.in "Découverte de l'Herbier de posidonie", Ch.-F. Boudouresque et A. Meinesz, 1983). |
![]() |
Quelques
gastéropodes qui rampent sur les feuilles de
posidonies.
A= Rissoa variabilis B= R. ventricosa C= R. decorata D= Alvania montagui E= Bittium reticulatum F= Rissoina brughieri (d'après MARS, 1954 et PARENZAN, 1970). Même source. |
Ce sont des organismes qui utilisent l'énergie
chimique potentielle contenue dans la matière organique
fabriquée par les producteurs.
On distingue des consommateurs de 1er ordre ou
phytophages ou "herbivores" qui se nourrissent
directement des producteurs; on les qualifie aussi de
producteurs secondaires car ils produisent de la matière
organique à partir des producteurs.
On citera : la saupe ou "dorée" (Sarpa
salpa), l'oursin violet (Paracentrotus
lividus), des crabes du genre Pisa...
On distingue aussi des consommateurs de 2ème
ordre ou zoophages qui se nourrissent de
consommateurs de 1er ordre, des consommateurs de 3ème
ordre et des consommateurs d'ordres supérieurs. On citera :
° des prédateurs sédentaires qui consomment les
invertébrés vivant sur les feuilles de posidonies;
principalement des échinodermes (Echinaster
sepositus, Asterina pancerii), des crustacés (Palaemon
xiphias, Idotea
hectica, Eupagurus anachoretus...), des gastropodes (Cerithium
vulgatum, Trochus
turbinatus, Bittium, Calliostoma, Rissoa,...), des nudibranches
(Aplysiela virescens, Glossodoris gracilis,...).
![]() Idotea hectica |
![]() Cerithium sp |
° des prédateurs vagiles nageant sous
ou à proximité de la frondaison qui vivent toute l'année ou à
certaines périodes dans l'herbier et qui constituent une
ressource économique pour la "pêche aux petits métiers"
-des Echinodermes : l'étoile de mer (Marthasterias
glacialis),
-des Poissons:
°°Sérranidés: le serran écriture (Serranus
scriba) , le serran petite chèvre (Serranus
cabrilla),
°°Labridés: le labre ocellé (Crenilabrus ocellatus), le
labre merle (Labrus
merula) , le labre mêlé (Labrus
bimaculatus), le labre vert (Labrus
viridis), les crénilabres (Symphodus cinereus,
S.
rostratus, S.
tinca), la girelle (Coris
julis) , la girelle paon (Thalassoma
pavo), le rason (Xyrichthys
novacula),
°°Syngnathiformes: hippocampes (Hippocampus
ramulosus ) et syngnathes (Syngnathus
acus),
°°Mullidés: le rouget (Mullus surmuletus),
°°Sparidés: la blade (Oblada
melanura), le sar commun (Diplodus
sargus) , le sar à bec fin (Diplodus
puntazzo), le sparaillon (Diplodus annularis),
la dorade (Sparus
auratus), le marbré (Lithognathus
mormyrus), le bogue (Boops
boops),
°°Centracanthidés: la mendole (Spicara
maena)
°°Pomacentridés: la castagnole (Chromis
chromis),
°°Mugillidés: le mulet (Chelon labrosus),
°°Congridés: le congre (Conger
conger),
°°Scorpénidés: la rascasse brune (Scorpena
porcus), la rascasse rouge (Scorpena
scrofa),
-des Céphalopodes: la seiche (Sepia
officinalis), le poulpe ou pieuvre commune (Octopus
vulgaris),
-des Crustacés: la chevrette ou bouquet (Palaemon
serratus), la petite cigale de mer (Scyllarus
arctus), les araignées de mer (Maja squinado et
M. crispata).,..
° des prédateurs qui vivent dans les mattes
(endogées)
-des crustacés: des genres Upogebia
deltaura , Callianassa,
-des Vers polychètes: des genres Nereis,
Lumbriconereis,
Remarque: il existe aussi de nombreuses espèces qui vivent
dans les mattes mortes de posidonies
°des détritivores qui fragmentent et
consomment des débris qui constituent la latière de l'herbier de
Posidonie et participent au recyclage de la production primaire.
On citera:
-des oursins (Psammechinus
microtubercularis, Sphaerechinus
granularis),
-des Crurtacés amphipodes et isopodes,
-des Echinodermes (Holothuria
tubulosa, Ophiura textusata, Ophioderma longicauda),
Ils sont des constituants essentiels de
l'écosystème qui assurent la reminéralisation de la
matière organique, c'est à dire la transformation de cette
matière (déjections, cadavres, d'organismes animaux ou
végétaux), en sels minéraux. Ce sont des bactéries et des
champignons.
Cette décomposition permet la libération dans le milieu des
éléments minéraux, y compris le dioxyde de carbone, qui seront
repris par les producteurs.
Cet écosystème est un système
thermodynamique ouvert puisqu'il y a des entrées de
carbone porganique et des fuites de matières et d'énergie.
° les entrées de carbone organique se
font par l'intermédiaire :
-des filtreurs et suspensivores de l'herbier,
°° invertébrés épibiontes des feuilles et des rhizomes,
foraminifères, bryozoaires (Electra posidoniae),
hydrozoaires, actinies (Parastephanauge
richardi), ascidies (Halocynthia
papillosa ), (Microcosmus
sulcatus ), des vers (Spirographis
spallanzani), des lamellibranches (Pinna
nobilis)....
°° invertébrés endogés (qui vivent dans la matte),
Mollusques comme la lime baillante (Lima hians), la
praire (Venus verrucosa), la clovisse poulette (Tapes),
Echinodermes Holoturidés du genre Cucumaria,
-des planctonophages, mangeurs de plancton comme les
poisons, la castagnole (Chromis
chromis), la mendole (Spicara
maena), le picarel (Spicara
smaris)
° les sorties de carbone se font par
-les feuilles mortes qui s'accumulent en "banquettes"
ou qui sont entraînées dans les zones profondes où elles
participent à d'autres écosystèmes,
-la sédimentation du carbone et des nutriments dans la matte où
ils sont enterrés, stockés et relargués très lentement sur une
période de temps élevée.
-les prélèvements humains (pêche et aquaculture)
Au final, cet écosystème rappelle les
ecosystèmes les plus riches, les écosystèmes forestiers
continentaux; sa biomasse végétale élevée étant peu
utilisée par les herbivores mais transférée (jusqu'à 85%!) pour
les détritivores; sa biomasse animale se touvant concentrée dans
la "matte".
Importance de l'herbier de posidonie
1. Il joue un rôle fondamental dans
les équilibres physiques de la zone littorale et du linéaire
côtier.
- c'est un "piège à sédiments" : les
particules en suspension dans l'eau étant filtrées par les
feuilles sont retenues entre les rhizomes et les racines,
- c'est un fixateur efficace des sédiments,
contribuant ainsi à la stabilité des fonds sableux et à la
perennité des plages,
- c'est un amortisseur des effets de
l'hydrodynamisme (vagues et courants) sur les fonds marins
et au voisinage des feuilles, limitant ainsi l'érosion; cet effet
est spectaculaire au niveau des récifs-barrières comme celui de la
lagune du Brusc qui reste "calme" même au moment des tempêtes
d'ouest ou de nord-ouest en hiver,
- il protége les plages de
l'érosion : en effet les feuilles mortes de Posidonie qui
constituent par accumulation des "banquettes" sur les plages en
hiver empêchent la mobilisation et le transport du sable.
L'herbier a en outre une importance biologique, écologique et
économique considérable:
-il offre des habitats variés à de
très nombreuses espèces de vertébrés et d'invertébrés (abri,
nourriture, frayères, nurseries)
2. Il constitue un vaste écosystème
(communauté d'êtres vivants).
- sa production primaire (la biomasse végétale est très
élevée); c'est l'une des plus fortes de Méditerranée et elle est à
la base de nombreuses chaînes alimentaires.
- il contribue à l'oxygénation de l'eau : 1 m² d'herbier
soit 1 200 à 1 300 mètres de longueur de feuilles produit 10 à 14
litres d'oxygène par 24 heures; c'est le "poumon de la mer".
- il sert de nurseries pour de nombreux
jeunes organismes invertébrés et d'alevins (il offre abri et
protection contre leurs prédateurs),
- il sert de frayères c'est à dire de
lieu de ponte pour crustacés, céphalopodes, poissons,
3. Il a une grande valeur écologique.
-Il abrite une grande diversité d'espèces on a
dénombré 400 espèces animales et plusieurs milliers d'espèces
végétales,
-il constitue une réserve génétique considérable
(banque de gènes dont l'homme aura besoin), un laboratoire
naturel où sont fabriquées une prodigieuse diversité de
molécules.
4. Il a un rôle économique majeur.
- il permet le maintien et le développement de nombreuses
ressources vivantes notamment pour la "petite pêche
côtière" en Méditerranée (crustacés, céphalopodes, poissons,
oursins..),
- il favorise le développement du tourisme et des activités
balnéaires : il est un facteur qui participe à la bonne
qualité et à la transparence des eaux tout en stabilisant les
plages.
5. Il a un rôle de bioindicateur
très utile pour évaluer la qualité d'un environnement ou permettre
la surveillance des milieux naturels.
-il est très sensible aux agressions naturelles ou humaines
comme les courants ou l'hydrodynamisme mais aussi à la turbidité
des eaux, leur charge en matières organiques ou en polluants que
la Posidonie fixe et concentre.
Actuellement, en Provence, l'herbier est en régression dans de
nombreux secteurs à proximité des agglomérations urbaines, sous
les effets conjugués de la turbidité et de la pollution des
eaux mais aussi des aménagements littoraux et semble-t-il de
Caulerpa taxifolia.
Au total, on évalue la diminution de
la surface de l'herbier de posidonie selon entre les
secteurs entre 10 et 30% depuis 1950.
L'augmentation de la turbidité provoque une remontée de sa
limite inférieure (limite de pénétration de la lumière qui
atteint 45 à 48 m en Corse et 28 à 38 m dans le Var); dans les
secteurs les plus touchés la limite profonde de l'herbier est
réduite à moins de 10 mètres.
Pour maintenir ou favoriser un développement
économique durable (1), notamment dans les
secteurs de la pêche et du tourisme, et transmettre
aux générations futures cet écosystème de grande
valeur patrimoniale il y a lieu de le protéger sur
toutes les côtes méditerranéennes.
Protection de l'environnement et développement
économique durable participent d'une même démarche que
doivent mettre en oeuvre tous les responsables
administratifs et élus de la Cité avec le concours des
(1) Le développement durable c'est l'ensemble des
<< activités humaines qui permettent à la génération
humaine actuelle et aux autres espèces qui vivent sur la Terre
de satisfaire leurs besoins sans mettre en péril la capacité de
la Terre à satisfaire les besoins des générations futures qu'ils
sagissent des hommes ou des autres espèces qui peuplent la
Terre>> (Sommet de Rio de Janeiro. Juin 1992).
Mesures de protection légales en France
La posidonie et les herbiers qu'elle édifie sont protégés par
la loi relative à la protection de la nature par l'Arrêté du 19
juillet 1988 et le Décret du 20 septembre 1989 relative aux
espèces marines protégées << il
est interdit de détruire, de colporter, de mettre en vente,
de vendre ou d'acheter et d'utiliser tout ou partie de la
plante>>.
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