12. Peuplements marins rocheux de la Pointe du Grand Gaou. (Arrêt 12)

La répartition des êtres vivants qui ne se fait pas au hasard est déterminée par les interactions de facteurs physiques (degré d’humectation, lumière, température, agitation de l’eau…), chimiques (salinité, polluants…) et biotiques (actions de l’homme et des animaux). Ici sur un même substrat rocheux et siliceux les espèces marines sont réparties verticalement en « étages ». Dans un même étage les conditions écologiques sont sensiblement constantes entre deux niveaux critiques, alors qu’elles varient nettement d’un étage à un autre en fonction du degré d’humectation qui croît avec la profondeur, de l’hydrodynamisme qui lui décroît avec la profondeur ; varient aussi l’éclairement (milieux éclairés et milieux obscurs) et l’exposition aux vagues (milieux battus et milieux relativement calmes).

Nous vous invitons à observer les peuplements caractéristiques des différents étages marins qui succèdent au domaine terrestre (11.4. Taillis de chênes verts et de pins d’alep, 11.1. Cistaie évoluée ou maquis bas?, 1.3. Brousse chaude). Ces deux domaines, terrestre et marin, sont en contact au niveau d’une zone de transition où l’influence des embruns salés se fait largement sentir (Cf.1.2. Peuplements à Passerine hirsute et Plantain à feuilles en alêne).

12.1. Les peuplements marins du versant ouest de la Pointe du Grand Gaou.
Ce versant rocheux exposé au vent dominant du NW (Mistral) abrite des milieux de mode battu.

12.1.1. La zone halophile (cf.1.1. Les rochers du bord de mer). Sur ces rochers toujours émergés, où l’impact du sel sur les végétaux est prépondérante, le manque d’eau douce chronique, la luminosité forte, les sècheresse sévères et les vents violents, la vie est rare mais présente (Perce-pierre, petite saladelle…).

12.1.2. L’étage supralittoral.
C’est la portion du littoral émergé seulement mouillée par les embruns et les vagues déferlantes ; c’est un milieu sévère avec de fortes variations de température, de salinité et un manque d’eau douce parfois prolongée, que les êtres vivants doivent supporter. Les espèces marines qui fréquentent ce milieu éclairé sont héliophiles (= « amies du soleil ») et sédentaires. Cliquez sur les images!

	On recherchera un des rares lichens marins. °Verrucaria amphibia. (Ascobiontes Fungi). Lichen encroûtant, ressemblant à une plaque de goudron. Vivace, extrêmement résistant il peut supporter de longues périodes de sècheresse et reprendre vie après humectation de son thalle.
	° Littorina neritoides ou littorine à aspect de nérite Mollusque Gastéropode). Ce petit bigorneau en vie ralentie à l’abri dans une coquille d’un noir violacé de 2 à 3 mm de diamètre, réfugié dans les crevasses ou anfractuosités des rochers ne sort que lorsque l’humectation est suffisante pour « brouter » l’enduit de cyanobactéries microscopiques (autrefois considérées comme des « algues bleues ») qui couvre les rochers.
	° Chthamalus depressus = Euraphia depressa ou chthamale «déprimé».(Crustacé Cirripède). Un crustacé atypique, à la muraille calcaire gris blanchâtre, tronc conique aplatie, déprimée au sommet, fermée par des plaques operculaires et renfermant une réserve d’eau; fixé au rocher il résiste à la déshydratation et à l’asphyxie et ne laisse sortir de fragiles appendices que pour capturer de minuscules proies planctoniques lors des très brèves immersions (c’est un suspensivore).
	° Ligidium italicum = Ligia italica ou Ligie d’Italie. (Crustacé Isopode). Corps aplati dorso-ventralement rappelant un cloporte, qui court sur les rochers à la recherche de débris organiques (c’est un détritivore) ou de petites proies qu’il consomme.
	° Fucelia maritima ou fucélie maritime. (Insecte Diptère).   Petite mouche dont les ailes au repos se recouvrent l’une l’autre ; c’est un suceur lécheur de liquides organiques qu’il prélève sur des débris animaux et végétaux divers.
12.1.3. L’étage médiolittoral. C’est la zone de balancement des vagues et des marées ; alors que sa partie supérieure est mouillée par les embruns, sa partie inférieure est humectée par les vagues à basses eaux et immergée par hautes eaux. Les êtres vivants doivent donc s’adapter à des alternances d’émersions et d’immersions. La partie supérieure de cet étage comprend :
- les peuplements à Chthamales étoilés et à arapèdes ou patelles rustiques.
	Chtamalus stellatus ou Chtamales étoilés ou "dents de cochon". (Crustacé Cirripède).
	Patella rustica = P. lusitanica, ou Patelle rustique.(Mollusque Gastropode). Fixée au rocher par une coquille conique calcaire en forme de « chapeau chinois » ; elle se déplace en rampant pour brouter cyanobactéries et algues.
On rencontre ensuite, étagées de la surface vers la profondeur, les premières ceintures d’algues qui abritent une faune variée.
- la ceinture à Porphyra « tacheté de blanc », Scytosiphon « en forme de gousse » et à Rivularia « en forme de bulle».
	° Rivularia bullata ou Rivularia "en forme de bulle".   C'est une Cyanobactérie. Ses sphérules creuses bleu-vert présentent un développement maximal en été.
	° Porphyra leucosticta ou Porphyra ou "tacheté de blanc". Algue rouge en forme de minces lames rubanées brun rouge bien développées au printemps.
	° Scytosiphon lomentaria ou Scytosiphon "en forme de gousse". Algue brune qui se présente sous la forme de tubes brun foncé atteignant 40 cm de long, visibles en hiver.
- la ceinture à Rissoelle verruqueuse et Némalion « en forme de ver ».
	° Rissoella verruculosa ou Rissoelle verruqueuse. Algue rouge au thalle constitué de lames brun rouge à vert, élastiques, coriaces à bords frisottés.
	° Nemalion helminthoides ou "Némalion en forme de ver"   Algue rouge qui montre ses cordons brun rouge foncé, peu ramifiés, élastiques et gluants. Son développement saisonnier est maximum au printemps.
La partie inférieure de cet étage est colonisée par - une ceinture d’algues rouges imprégnées de calcaire à « aspect de pierre » comme
	° Neogoniolithon notarisii en forme de confettis blancs ou roses ou de plaques.
	° Lithophyllum lichenoides= L. byssoides « en forme de lichen. Il forme des coussinets hémisphériques dont la surface est méandriforme.
On rencontre encore d’autres espèces comme
	° Bryopsis muscosa ou Bryopsis « à allure de mousse » Algue verte
	° Rivularia atra (Cyanobactérie) qui a l’aspect d’un grain de plomb noir,
	° Laurencia pinnatifida ou Laurencie pennée (Algue rouge).   C'est une algue rouge.
	° Ceramium ciliatum ou Céramium cilié. Algue rouge
Cet étage est fréquenté par une faune supportant une succession d’immersions et d’émersions plus ou moins prolongées. Signalons :
	° Mytilus galloprovincialis ou (Mollusque Bivalve).
	° Monodonta turbinata ou troque « en forme de toupie » (Mollusque Gastropode).
	° Pachygrapsus marmoratus ou grapse marbré (Crustacé Décapode).qui est un petit crabe,
	°Actinia schmitii = Actinia equina ou actinie rouge. ( Cnidaire Anthozoaire). qui préfère les surplombs ombragés.
	° Patella cœrulea ou patelle bleue. (Mollusque Gastropode).

12.1.4. Etage infralittoral. Il est toujours immergé et offre aux espèces vivantes un environnement plus clément, moins affecté par les variations climatiques ou dynamiques brutales des étages précédents. On observera sur cette côte 2 ceintures d’algues :
- La ceinture à Cystoseire strite
	°Cystoseira amantacea var. stricta ou Cystoseire stricte. Cette algue brune, vivace a un port de bruyère avec ses rameux ramifiés, rigides, épineux, brun vert ; elle est très sensible à la pollution et est un bon indicateur de la qualité des eaux.
- Au dessous, la ceinture à « Asparagopsis armée »
	°Asparagopsis armata ou Asparagopsis armée.   Cette algue rouge, annuelle préfère les eaux calmes et peu éclairées ; elle est formée de rameaux rouges fragiles, cassants dont certains sont « armés » de « petits harpons » qui permettent l’accrochage sur des supports variés. Brisés et transportés par les vagues ou les courants, ils constituent alors de véritables boutures naturelles qui permettent la dissémination de l’espèce

La faune est riche et variée.

	° Anemonia sulcata ou « ortie de mer ». (Cnidaire Anthozoaire).
	° Paracentrodus lividus ou oursin violet. (Echinoderme Echinide).
	° Echinaster sepositus ou étoile de mer rouge. (Echinoderme Astéride).
	° Octopus vulgaris ou poulpe. (Mollusque Céphalopode).
	° Sepia officinalis ou seiche. (Mollusque Céphalopode)
	° Clibanarius misanthropus ou bernard l’ermite des rochers. (Crustacé Décapode).
	° Pachygapsus marmoratus ou crabe marbré ou grapse. (Crustacé Décapode).
	° Lipophrys basiliscus ou Blennie basilic.
°De nombreux poissons : blennies, gobies, rouquier, murène, rascasses… Sur les rochers ensablés on pourra observer une plante à fleurs marine la posidonie (Posidonia oceanica) et des algues vertes comme
	° Acetabularia acetabulum ou acétabulaire.  L’acétabulaire ressemble à une petite ombrelle de quelques centimètres de hauteur qui disparaît en hiver.
	° Udotea petiolata ou Udotée pétiolée.   L’udotée forme de petits éventails de 2 à 10 centimètres de haut, vert foncé, imprégnés de calcaire, présents en été à faible profondeur sous les surplombs rocheux ombragés.
	°Halimeda tuna ou Halimède.   L’halimède a l’aspect d’« un cactus à raquettes » vert foncé à blanc, calcifié.
Les animaux le plus souvent rencontrés sont:
	° Cerithium vulgatum ou Cérithe commune. (Mollusque Gastropode).
	° Columbella rustica ou Columbelle rustique. (Mollusque Gastropode).
	° Echinaster sepositus ou étoile de mer rouge.(Echinoderme Astéride). cf. ci-dessus
	° Coscinasterias tenuispina ou « étoile de mer bleue » encore appelée « astérie épineuse ». (Echinoderme Astéride).
	° Holothuria forskali ou holothurie noire. (Echinoderme Holoturioides).
° des poissons : gobies, vives…
	° Gobius niger ou Gobie noir.

12.2. Le versant sud est de la pointe du Grand Gaou

Ce versant est protégé du Mistral mais aussi du vent d’est par le massif de Sicié, aussi le promeneur pourra-t-il observer des peuplements de mode calme à semi battu.

12.2.1. Les étages supralittoral et médiolittoral.
Ils sont semblables à ceux rencontrés en mode battu à l’exception dans le médiolittoral de
- la ceinture d’algues vertes à>

	° Ulva compressa = Entéromorpha compressa ou Entéromorphe comprimée. Elle a la forme d’un « intestin comprimé » vert clair avec quelques étranglements ; elle disparaît une partie de l’année, présente un développement maximal en été et devient blanche si l’émersion est trop prolongée.
	° Cladophora laetevirens ou Cladophores verdâtres. Forme des touffes de filaments vert clair, fins, ramifiés et articulés.
	° Ulva lactuca ou Ulve ou « laitue de mer ». Ici très développée. Elle a un thalle vert, aplati en lames minces fixées par un petit disque basal ; diverses espèces, très tolérantes vis-à-vis de la pollution en milieu asphyxique, se rencontrent dans les ports du littoral. Elles sont de bons indicateurs de la pollution par les nitrates sur le linéaire côtier quand les apports d’eau douce ou d’eaux polluées sont importants. Abondantes, elles sont impliquées dans la formation de « marées vertes ».
12.2.2. L’étage infralittoral. Il est toujours immergé et sa limite profonde est la limite compatible avec la vie des plantes à fleurs marines et des algues pluricellulaires qui ont besoin de lumière pour vivre. Autour des Embiez on peut situer cette limite aux environs de 30 mètres. On pourra observer quelques algues typiques de ces milieux éclairés de mode relativement calme, en forme de « pompons » se balançant mollement au gré des courants comme :
	° Stypocaulon scoparium ou « balai de mer ».   Algue brune, le « balai de mer » brun foncé à noir a une partie dressée formée de filaments très ramifiés.
	° Padina pavonica ou Padine « queue de paon ». Algue brune qui forme des lames enroulées en cornets zonés, blancs à bruns, imprégnés de calcaire dont l’existence est brève.
	° Jania rubens ou Janie rouge. Se présente en touffes de filaments cylindriques, fins, articulés, se dédoublant régulièrement, aux extrémités fourchues ; sa couleur varie du rouge, au rose violacé et au blanc.
	° Amphiroa rigida ou Amphiroa rigide.   Algue rouge, pérennante, rigide, cassante, riche en calcaire qui forme des touffes de petits filaments, articulés, blancs, violacés à la base.
	° Dictyota dichotoma ou Dictyote dichotome. Algue brune, annuelle qui disparaît en hiver, forme des touffes brun-jaunâtre, de lanières dichotomes (=qui se ramifient régulièrement en 2 parties), fixées sur une courte base aplatie.
	° Liagora viscida ou Liagore visqueux. Algue brune a l’aspect d’un arbuscule formé de filaments cylindriques, fortement calcifiés, se dédoublant régulièrement, blancs à extrémités violacées ; il disparaît en automne.
- des algues rouges calcaires encroûtantes comme
	° Lithophyllum incrustans.   Forme souvent un enduit rose vineux où vit l’oursin violet (Paracentrotus lividus) qui broute principalement des algues molles,
	° Arbacia lixula ou oursin noir. (Echinoderme Echinide). Il broute des algues calcaires.
	On rencontre aussi la patelle bleue (Patella coerulea) et un ver vivant dans un tube calcaire (Vermetus triqueter).
Profitant de la remontée des eaux plus chaudes vers la surface, des espèces vivant plus profondément peuvent se rencontrer comme l’udotée (Udotea petiolata) (AV) ou l’halimède (Halimeda tuna) (AV). - Dans les zones plus obscures, une ceinture d’un beau rose vif est bien visible, c’est la ceinture à asparagopsis « armée ». Sont fréquentes ici,
	° Asparagopsis armata ou Asparagopsis armée. (Algue rouge).
	° Dictyopteris membranacea ou « fougère de mer » (Algue brune), Identifiable par ses lanières dichotomes, aplaties, brun jaunâtre, à large nervure centrale.
	Peyssonnelia rubra ou Peyssonnelie rouge. Algues rouges, les peyssonnélies sont calcifiées, vivaces ; elles rappellent des « lobes d’oreilles », rouge foncé, zonés, arrondis, se chevauchant. et même
	° Corallina mediterranea ou coralline de Méditerranée. Algue rouge qui préfère les rochers éclairés. La coralline a un thalle comprimé, formé d’articles ramifiés dans un plan, de couleur rose vif, fortement calcifié, de 4 à 5 centimètres de haut ; elle est très tolérante vis-à-vis de la pollution.

Récapitulation : Peuplements marins rocheux
La répartition des êtres vivants est déterminée par les interactions de facteurs physiques (lumière, température, vent, agitation de l’eau, nature du substrat), chimiques (eau, salinité, polluants, substrat) et biotiques (actions de l’homme et des animaux).

Zonation	Milieu de vie	Espèces les plus fréquentes
Taillis de chênes verts	Climat méditerranéen avec influences maritimes	Chênes verts et Pins d’alep (1)
Brousse chaude	Sur les stations les plus chaudes et les plus ensoleillées (ici en limite occidentale)	Olivier sauvage et Pistachier lentisque, Genévrier de Phénicie, Salsepareille (2)
Zone de transition	Passage entre milieu continental et le milieu marin avec influence des embruns	Passerine hirsute (3), Plantain à feuilles en alêne (4), Camphorine de Montpellier,
Zone halophile (embruns salés)	Conditions de vie sévères : manque d’eau douce, embruns salés, sècheresse, forte luminosité, vents violents	Perce pierre (5), Petite saladelle (6), Euphorbe petit pin, Cinéraire maritime, Alysson maritime, Lotier faux cytise, Mésembryanthème
Etage supralittoral (embruns salés et vagues déferlantes)	Influence prépondérante de la mer : fortes variations de salinité, de température, dessiccation poussée	Littorine à aspect de nérite (7), Ligie d’Italie (8), Fucélie maritime, Chthamale « déprimé »,
Etage médiolittoral (tantôt émergé et tantôt immergé)	Alternance d’émersions et d’immersions (zone de balancement des vagues et marées)	- Chthamale étoilé (9), Patelle rugueuse (10), - Rissoelle verruqueuse (11), « Spaghetti de mer » ou Némalion en forme de ver (12), - Moule, Troque « en forme de toupie » (13), Grapse marbré (14), Patelle « bleue »,  Actinie rouge, - Entéromorphe « en forme d’intestin » (15), Ulve ou « laitue de mer » (16), Cladophore (17), Céramium cilié, Rivularia « petite bulle »,
Etage infralittoral (toujours immergé)	Variations progressives de lumière, de température en fonction de la profondeur ; milieu plus clément	- Algues des milieux éclairés : Padine « queue de paon » (18), « balai de mer » ou Stypocaulon (19), Cystoseire comprimée, Liagore visqueux, Janie rouge, Coralline de Méditerranée, Dictyote dichotome, Laurencie obtuse, Amphiroa rigide - Algues des milieux obscurs (20): Asparagopsis « armée », Udotée, Halimède, Peyssonnélie, « Fougère de mer », « Ortie de mer » ou anémone de mer (21), -Algues rouges encroûtantes et oursins (22) : Lithophyllum, Oursin violet, Oursin noir -Rochers ensablés : Posidonie (23), Cérithe commune, Columbelle rustique, Holothuries, Etoiles de mer, Pagure ou « Bernard l’ermite »

En vert : Plantes à fleurs. En noir : algues. En rouge : animaux.