Promenade écologique sur l'île des Embiez (10)
Le Brusc (Var)

15. Les anciennes salines. (Arrêt 15)

Anciennes salines

15.1. La flore.

C’est sur le mince liseré de dépôts vaso-sableux entourant les plans d’eau des anciennes salines que croissent des végétaux halophiles (adaptés aux sols salés) et hygrophiles (aux besoins en eau élevés). Ils tolèrent aussi les sols enrichis en nitrates par les déjections d’oiseaux.

Ces végétaux supportent une forte teneur en sel dans le sol et de grandes variations de salinité (très élevée en été à la suite de la forte évaporation, et plus faible en automne à la suite du rinçage par les pluies). 

Ils supportent le manque d'eau douce et possèdent des organes crassulescents.

Les végétaux les plus caractéristiques appartiennent à la famille des Salsolacées (Chénopodiacées) : ce sont les salicornes (dont les rameaux sont en forme de cornes), les arroches, les obiones et les soudes. Cliquez sur les images!

° la grande Salicorne  ou Salicorne à gros épis. (Arthrocnemum macrostachyum) L., Salsolacées)
C'est un sous-arbrisseau vivace glauque puis vert jaunâtre formant des buissons atteingnant 1 mètre de hauteur. Les rameaux et notamment les plus vieux sont formés d'articles aussi aussi longs que larges ; ils portent de longs épis jaunes à fleurs groupées par 3. Après la chute de celles-ci, 3 logettes disposées en triangle persistent.
Mai-Août
° la salicorne herbacée (Salicornia perennans Willd. L., Salsolacées)
Naine, c'est une espèce herbacée, annuelle rougissant progressivement. La racine est simple et les tiges dressées se ramifient en prenant un port pyramidal.
On pourra en observer le long d'une petite roubine (= petit ravin ou ravine) longeant les courts de tennis ou en récolter au printemps les jeunes pousses pour les manger confites dans le vinaigre ou cuites comme des haricots!
Août-Octobre
° l'Arroche marine,  arroche halime, pourpier de mer ou blanquette. (Atriplex halimus L., Salsolacées)

Arbrisseau vivace, argenté, dressé, de 1-2,50 mètres, souvent planté en haie dans le midi. Ses feuilles sont persistantes, oblongues, alternes (ce qui les distingue des Obiones). Les fleurs sont disposées en épis jaunâtres terminaux.
Août-Septembre
° l'Arroche prostrée (Atriplex prostrata L., Salsolacées) Plante annuelle, haute de 20 à 80 cm, herbacée à tige striée de blanc et de vert, à feuilles hastées (en triangle) avec 2 dents latérales fortes, charnues, vertes, blanchâtres, laineuses en dessous
Août-Octobre
Obione
° l'Obione  ou Arroche faux pourpier. (Halimione portulacoïdes ou Atriplex portulacoïdes L., Salsolacées)

Sous-arbrisseau vivace, blanchâtre argenté, à tiges ligneuses couchées à la base de 20-50 cm de hauteur ; ses feuilles sont opposées et lancéolées.
Elle fleurit en août et septembre, ses fleurs mâles et femelles sont petites blanchâtres.
Août-Septembre
° la Soude commune ou "herbe au verre". (Salsola soda L., Salsolacées)

Herbe annuelle dressée, glabre, verte à feuilles linéaires se terminant par une pointe non piquante, assez molles, 4-5 cm de longueur ; ses feuilles sont élargies à la base et montrent un trait vert au milieu de la face supérieure et sur les angles. Les soudes, récoltées autrefois puis incinérées, dans l'usine qui fonctionnait autrefois sur l'île, ces plante fournissaient de la soude naturelle (utilisée pour la fabrication des bouteilles de verre, de savons et de certains médicaments).
Juillet-Septembre
° la soude maritime.  (Suæda maritima Dumontier., Salsolacées)

Herbe annuelle buissonnante à feuilles vertes ou rougeâtres, molles, demi cylindriques, plates sur le dessus.
Juillet-Octobre
Soude ligneuse
° la soude ligneuse. (Suæda vera = Suæda fruticosa L., Salsolacées)
Arbrisseau vivace ramifié à feuilles rapprochées, persistantes, charnues et molles, courtes (5-6 mm) presque cylindriques, vert glauque. Les fleurs petites, bisexuées forment des glomérules à l’aisselle des feuilles.
Mai-Juillet
Inule
° l'Inule maritime ou inule faux-crithme. (Limbarda crithmoides L., Astéracées)

Sous-arbrisseau vivace 10-90 cm, à feuilles caractéristiques vertes, charnues, lisses, à 3 indentations à l'extrémité du limbe; ces dernières sont alternes non embrassantes et portent souvent à leur aisselle un faisceau de petites feuilles.
Les fleurs en tube jaune constituent des capitules de 1-1,5 cm de diamètre dont l'involucre porte plusieurs rangs de bractées.
Août-Octobre
Cakile
° le Cakilier maritime  ou roquette de mer. (Cakile maritima subsp. maritima Scop., Brassicacées)

Plante herbacée annuelle de 10-40 cm de haut, glabre, aux rameaux étalés sur le sol, charnus et portant des feuilles vert clair lobées, épaisses.
Les fleurs sont violacées et le fruit caractéristique; ce dernier est court (1,5-2 cm), formé de 2 articles superposés contenant une graine ; l'article supérieur a 4 angles et est caduc.
Juin-Septembre
° le Statice raide ou grande saladelle. (Limonium virgatum Willd. Fourr., Plumbaginacées)

Herbacée vivace, possède des feuilles plates situées toutes à la base. Les rameaux fleuris sont longs et étalés. Les fleurs violacées sont en épis, toutes disposées du même côté.
  Juin-Août
° le Jonc maritime. (Juncus maritimus Lam., Juncacées)
Forme des touffes vertes hautes de 0,5-1 mètre ; c'est une plante vivace à souche brièvement rampante, à tiges cylindriques, radicales et nues, à moelle spongieuse, terminées par une pointe vulnérante.
Les fleurs en panicule sont situées à l'aisselle d'une bractée longue et piquante ; les pétales sont égaux à la capsule alors qu'ils sont plus courts chez le Joncus acutus.
Juin-Octobre
Jonc piquant
° le Jonc piquant. (Juncus acutus L., Juncacées)

Glauque, haut de 1,50 m, ressemble beaucoup au précédent mais les pétales sont 2 fois plus courts que la capsule. Les tiges cylindriques, raides, sont terminées par une bractée membraneuse embrassante, piquante qui domine une inflorescence.
Mars-Juillet
° le Plantain à feuilles grasses. Plantago crassifolia Forskhal., Plantaginacées)
C'est une herbacée vivace, 5-40 cm de haut, à feuilles toutes en rosette à la base, semi-cylindriques, charnues, glauques. Fleurs en épis blanchâtres au sommet d'une hampe.
Mai-Septembre
Autour des salines on rencontre de beaux Tamaris, et quelques espèces de Graminées comme :
° le Pied-de lièvre. (Lagurus ovatus L., Poacées).
Plante herbacée annuelle dressée, de 5 à 50 cm de haut, à tige grêle et feuilles vert clair, larges de quelques mm, plates, couvertes de poils, à gaine renflée pour les feuilles supérieures; le limbe se termine par une pointe Les fleurs hermaphrodites sont groupées en épi conique, compact, couvert de poils mous.
Mai-Juillet
° le Chiendent cassant (Agropyron junceum L., Poacées)

 Plante herbacée vivace dressée, de 20 à 80 cm de haut, en touffe, à rhizome (= tige souterraine) long (plusieurs mètres!) et traçant; la tige est cylindrique et les feuilles alternes, engainantes, raides, à bords enroulés partiellement et longitudinalement.
Les feuilles sont sont glauques (couvertes d'une pruine qui donne une coloration vert bleuâtre ou vert grisâtre), fines (< 6 mm), couvertes de poils sur la face supérieure. Le limbe de la feuille est en pointe et la ligule (= languette située à la jonction de la gaine et du limbe) est membraneuse et courte contrairement à l'Oyat dont la ligule est bifide. Les fleurs ou épillets sont groupées en épi allongé, vert gris. L'axe de l'épi ou rachis est cassant; il tombe après la floraison et la dissémination des graines est assurée par les animaux.


Juin-Août. 
Dans les anciennes salines transformées en bassins expérimentaux par le laboratoire de microbiologie marine tout proche, pousse une très belle plante à fleurs submergée vivant en eaux saumâtres.
Ruppia
° la Rupelle maritime ou Ruppie (Ruppia marina var. spiralis Morris., Potamogetonacées)
Vivace, son appareil végétatif comprend une tige grêle ramifiée, de longues feuilles étroites avec une gaine à la base, à l’aisselle de ces feuilles naissent des inflorescences formées de petites fleurs hermaphrodites qui apparaissent entre mai et septembre. La dispersion du pollen et des graines est assurée par l’eau.
PR. Juin-Août
15.2. Les anciennes salines.
anciennes salines

Vue des anciennes salines, des vignes et de la pinède de la Tour Fondue

Ce n'est qu'après la victoire de Malogineste, remportée sur les Sarrasins en l'année 950 de notre ère.., que le littoral des Embiez et du Brusc devient plus sûr...les moines de l'abbaye Saint-Victor, de Marseille, installés à Six Fours, décident, dès 1068, de créer des salins dans l'île des Embiez. 
"Le port d'embarquement était aménagé dans un creux, au nord des salins. Ceux ci avaient été formés par la jonction des deux principales îles qui étaient alors l'île principale, qui se termine au sud, par la pointe de Cougoussas et l'île de la Plumasse, appelée aujourd'hui  île de la Tour Fondue. La faible profondeur de la mer en cet endroit leur permit par la construction de quelques murets en pierres sèches, de réaliser des tables salantes sans grosses difficultés ". 

Plus tard, au XVe siècle..les salins et les pâturages des Embiez sont exploités par la commune de Six Fours... 

En 1520, l'exploitation du sel est donnée à Barthélémy Lombard, de Six Fours...à qui succède Barthélémy Lombard II en 1580 ..il obtient du roi Henri IV, en 1593, que le domaine soit érigé en arrière-fief en faveur de sa famille. Il plante des vignes et Henri IV lui donne le titre de seigneur Sainte Cécile des Embiez 

Ce fief tire essentiellement son revenu de l'exploitation de deux tables salantes situées au nord et à l'est de l'île, auxquelles il faut ajouter une production de soude naturelle (cf. encadré ci-dessous). 

Le saunage ou la production de sel

"Dès les beaux jours, commencent les mouvements d'eau sur les partènements, les étangs où est concentrée l'eau de mer. 

C'est dans les salines d'est, plus profondes que celles du nord, alimentées par des canaux du côté de la passe du Grand Gaou, qu'une première évaporation de l'eau débutait; une pompe à vapeur, et ensuite à moteur extrayait l'eau de ces salines, eau surchauffée par le soleil, ayant évidemment un pourcentage de salinité très supérieure à l'eau de mer. Cette eau était envoyée ensuite dans les tables salantes. 
A partir du mois de juin le sel commence à se déposer; la couche atteint 4 à 5 cm à la mi-août. On vide alors les tables en ouvrant les martelières pour procéder à la récolte au lendemain des fêtes du 15 août". 

La récolte

"Les salines géométriquement partagées étaient nommées tables salantes (on en comptait 19 en 1920, de 200 mètres de long sur 175 mètres de large, soit une superficie d'environ 3,5 hectares)..le quadrillage était réalisé avec du bleu de méthylène, sur les tables où sont tracées des carreaux de 8 mètres sur 8 mètres". 
Sur cette surface, le sel est mis à la pelle en meules de 5 à 6 m3: c'est l'opération appelée battage.  
"En des endroits choisis, généralement surélevés de 1 à 1,5 mètre, appelés graviers, sont constitués des tas rectilignes d'une trentaine de mètres de long et de 6 à 7 mètres de hauteur : la camelle". Cette opération est appelée l'encamelage.


Camelle recouverte de tuiles.
Un douanier à droite et au fond le château construit en 1612  (Document IOPR. 1935?)

Le travail se fait avec des brouettes chargées de prés de 120 Kg de sel que l'on pousse sur des chemins de planches.  le sel est vidé sur une trémie, puis une échelle mobile le monte sur la camelle: c'est le roulage

La camelle, une fois terminée est recouverte de tuiles"...... 
"Le sel est chargé sur des chariots ou des brouettes, mis en sacs déversés du haut d'un tumulus (plan incliné qui surplombe la mer de 2 à 3 mètres) dans des chalands ou des tartanes; une glissière métallique permettait de faire descendre ces sacs dans un chaland venant de Marseille traîné par un remorqueur". 
"Tout au long de l'année 20 à 30 tonnes de sel sont envoyées chaque semaine principalement à destination de Marseille". 
Une partie du sel était destinée à la consommation locale et son transport était assuré soit par la vedette des Embiez (ou des tartanes qui accostaient dans le port du Brusc) ou, vers le mois d'avril par des charrettes à grandes roues. 

En 1920, les salins appartiennent à la Société  des Salins et Pêcheries d'Hyères. 

"La dernière récolte date de 1934...la rentabilité étant devenue insuffisante." 

Les salines actuellement

A partir de 1958, date de l'acquisition de l'île par Paul Ricard, les marais salants vont faire l'objet 
d'aménagements successifs : 
-aménagement au nord-est d'un port commencé dès 1962, 
-expériences de grossissement de crevettes jusqu'en 1969, 
-aménagement d'un bassin expérimental, alimenté en eau par la lagune du Brusc, pour des recherches aquacoles portant sur l'élevage des coques et des palourdes, 
-station expérimentale d'aquaculture avec élevage de loups, daurades et crevettes, 
-1984 construction de laboratoires de structure légère à proximité de la station aquacole.. 
-expériences portant sur la décomposition et le devenir des hydrocarbures en mer..... 
-aménagement de jardins aquatiques... 
-1994 construction de laboratoires en dur et d'un centre de recherches qui "apporte une assistance scientifique et technique dans les domaines de la microbiologie, de l'environnement et des biotechnologies marines". 

La production de soude

C'est un certain sieur Caignard, propriétaire des salines depuis 1827, qui obtient ...l'autorisation de fabriquer de la soude factice à partir de sel marin (10). 
L'ordonnance précise que l'usine composée de huit fours et de douze chambres de plomb devait permettre la condensation et la récupération de l'acide muriatique (=chlorhydrique) dégagé; mais ce n' est pas le cas: l'incomplète absorption des vapeurs toxiques, provoque une dangereuse pollution. 

En 1847, alors que l'usine décompose en soude 4 500 à 5 000 Kg de sel par 24 heures, une "commission d'enquête" constate, après avoir visité avec la plus grande attention toute la partie ouest et midi de la commune de Six Fours jusqu'à la mer <<une végétation des plus malheureuses : des figuiers dont le terroir se trouvait amplement pourvu, ont presque entièrement disparu, et les quelques arbres de cette espèce qui restent encore se trouvent dans un état tel de dépérissement et de dessiccation qu'on peut.....les considérer comme entièrement perdus. Les oliviers se trouvent dans des conditions de végétation aussi mauvaises et hors d'état de porter le fruit à maturité... 
Les arbres fruitiers ont presque entièrement disparu et ceux qui restent n'ont aucune vigueur... 
La vigne, principal produit de ces terres, est à la veille d'être sous peu entièrement ruinée..... 
Les dommages s'étendent à une grande distance des Embiez, ils sont plus marqués dans les vallons et les bas fonds où les courants existent... 
Le 14 juin 1847, le préfet du Var, ordonne, la fermeture définitive de l'usine de soude de l'île des Embiez.>> 

(10) La décomposition du chlorure de sodium par l'acide sulfurique donne du sulfate de sodium qui calciné avec du charbon et du carbonate de calcium produit de la soude et des vapeurs d'acide chlorhydrique.